Dernière mise à jour : 31 août 2025
En bref
- Au XIXᵉ siècle, le bouddhisme était souvent perçu en Occident comme une philosophie du vide, associée à l’athéisme et au nihilisme.
- Des penseurs chrétiens britanniques s’en servaient comme d’une insulte pour discréditer leurs adversaires intellectuels.
- Le physicien John Tyndall, défenseur de la science et de la liberté de pensée, fut accusé d’être un « bouddhiste prédateur » ou un « musulman secret ».
- Ces attaques révèlent comment l’Europe projetait ses peurs religieuses et politiques sur les traditions orientales.
Sommaire
- 1. Le bouddhisme vu comme nihilisme
- 2. Un miroir des angoisses chrétiennes
- 3. L’exemple de John Tyndall
- 4. Héritage et malentendus persistants
1. Le bouddhisme vu comme nihilisme
Au XIXᵉ siècle, les missionnaires et les voyageurs décrivent le bouddhisme comme une religion « négative » : sans Dieu créateur, tournée vers la vacuité et l’extinction.
Comme peu d’Européens lisent directement les textes bouddhistes, ils l’assimilent à une forme de nihilisme ou de matérialisme désespéré.
2. Un miroir des angoisses chrétiennes
Pour beaucoup d’apologistes chrétiens, le bouddhisme représentait l’exact opposé du christianisme : pas de Dieu personnel, pas de salut éternel, seulement la dissolution dans le néant.
C’était une « contre-religion » pratique pour dénoncer tout discours qui remettait en cause la foi traditionnelle.
Accuser quelqu’un d’être « bouddhiste » revenait à l’assimiler à un athée ou à un hérétique, un danger pour la société chrétienne.
3. L’exemple de John Tyndall
Le physicien irlandais John Tyndall illustre bien ce phénomène. Dans son discours de Belfast (1874), il affirme que la science doit avoir la liberté de discuter des idées sans subir la censure de la théologie.
Des religieux britanniques attaquent aussitôt ses propos sur la matière, la lumière et la vie.
« Ce n’est pas la question de dire que les points de vue de Lucrèce et Bruno, de Darwin et Spencer, peuvent être faux… la question est que, qu’ils aient raison ou tort, nous demandons la liberté de les discuter. »
Ses propos suscitèrent autant d’applaudissements que de condamnations. Pour ses partisans, Tyndall incarnait l’esprit libre et rationnel. Pour ses adversaires, il franchissait une ligne rouge.
Des critiques l’accusèrent d’être un « musulman secret », voire un « bouddhiste prédateur ». Ils comparèrent ses réflexions sur l’« absorption dans la nature » à un Nirvana athée.
Le bouddhisme servait donc ici à disqualifier un scientifique matérialiste, en l’associant à une religion jugée étrangère, dangereuse et contraire aux valeurs chrétiennes.
4. Héritage et malentendus persistants
Ces accusations montrent comment le bouddhisme fut instrumentalisé en Occident : moins comme une véritable religion étudiée que comme une métaphore négative. Ce n’est que plus tard, avec la traduction des textes et l’arrivée des maîtres bouddhistes en Europe et en Amérique, que son image a changé.
L’épisode de Tyndall reste un témoignage précieux : il révèle comment l’Occident projetait ses propres peurs de l’athéisme et du doute sur le bouddhisme.